dimanche 21 août 2005

Moi aussi j'ai les doigts fatigués, mais pour une toute autre raison...

La grosse dame fit irruption à la réception, flanquée de ses trois marmots. La cadette s’approcha de l’elfe qui était derrière le comptoir et lui demanda, avec un accent slave très prononcé, de bien vouloir appuyer sur le bouton de l’ascenseur pour eux. Comme c’était vendredi soir, l’elfe se dit que la famille en question devait respecter le shabbat de façon très stricte et acquiesça à la demande. Juste au moment où la porte de l’ascenseur allait se refermer, la grosse dame, cherchant à se justifier, demanda à ce qu’on lui pardonne ce contretemps : ils avaient marché toute la soirée et étaient absolument exténués.

De retour à son poste, l’elfe se demanda pourquoi la dame s’était sentie obligée de trouver une excuse aussi stupide. Depuis quand était-on gêné de pratiquer sa religion? En fait, c’était comme si une nonne refusait des avances sexuelles en prétextant ne pas avoir de condom dans son sac à main. Quand on sacrifie sa liberté au profit d’un culte quelconque, la moindre des choses serait de ne pas s’en cacher. Enfin, elle n’était pas là pour juger les gens.

Au bout de quelques secondes de ces réflexions, l’elfe eu un fou rire. Qui donc allait glisser la carte magnétique de la dame pour ouvrir la porte de sa suite? Ah les mystères de la religion…

Décidément, elle ne comprendrait jamais rien à la race humaine.

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dimanche 14 août 2005

Galad phone home

Samedi soir en terminant le boulot, rue Saint-Laurent avec des confrères de travail allant rejoindre des amis au resto-bar Machin. Profond malaise. Mais qu’est-ce que je fous ici? LA rue Saint-Laurent, rue des artifices s’il en est une à Montréal (enfin, probablement la deuxième, après la rue Crescent). Les bars se succèdent, chacun avec sa file d’attente, chacun avec sa musique trop forte. Je suis mes deux comparses en traînant la patte. Je me sens étrangère dans le tohu-bohu de la main. Un seul verre, je leur ai dit, un seul et je rentre à la maison. En chemin, l’un me raconte qu’à la porte on nous demandera combien de bouteilles (de vodka) nous prévoyons commander afin de déterminer si nous avons droit à une table ou non . L’autre m’annonce que je ne pourrai peut-être pas être admise à cause de ma tenue vestimentaire. Vrai, je porte le confortable trio estival jean-camisole-sandales, mais merde, j’arrive de bosser après tout. Faut-il à tout prix avoir des escarpins de dix centimètres, une mini-jupe et un décolleté plongeant sur une poitrine siliconée pour entrer dans un bar? Ce sont les sandales qui ne passeront pas parait-il. Mais qu’est-ce que je fous là moi, à me demander si on voudra bien m’admettre telle que je suis, dans ma ville natale en plus. Je les laisse prendre place dans le line-up et poursuis ma route, seule et soulagée. Partout le long de la rue, rien que de la fausseté, rien que du tape-à-l’œil et des odeurs de parfums, tous plus nauséeux les uns que les autres. Enfin, la rue Prince-Arthur, oasis de paix. Les serveurs commencent à ranger les terrasses, les couples déambulent bras dessus-dessous. Puis le Carré Saint-Louis et ses odeurs d’herbes, hydroponiques ou non, sa nonchalance, ses musiciens improvisés installés autour de la fontaine. Ici, plus personne ne me dévisage, je passe inaperçue. Vivre et laisser vivre. Voilà Montréal telle que je l’aime. Rue Saint-Denis où traînent encore quelques banlieusards profitant de la fraîcheur de la nuit. Plus que deux ou trois minutes et j’y suis. Un dernier effort et je serai enfin là où je me sens vraiment chez moi. Avenue du Mont-Royal, petit bar de quartier où les sandales sont les bienvenues. Petit bar de quartier où chacun a sa place. Justement la mienne est au comptoir, là où j’ai l’extrême bonheur de voir Daniel, Pat, Jean-François et mon Jeff fidèle à son poste. Plus que jamais, j’apprécie chaque câlin, chaque sourire, chaque baiser. J’ai failli vous trahir mes amis, j’ai failli goûter l’herbe du voisin. J’ai failli m'abaisser au point de me sentir gênée d’être ce que je suis dans une cohorte artificielle et vulgaire. Mais je suis là, avec vous, en sandales et heureuse.

C’est tellement, mais tellement bon de se sentir chez-soi.

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vendredi 12 août 2005

Gauloiseries

Rue Laurier, 22:30h. J'entre à la tabagie et me commande un paquet de clopes. Jusqu'ici, rien de bien extraordinaire. Mais voilà que l'asiatique derrière le comptoir lève un sourcil et me regarde d'un air inquisiteur:

- Tou as di-houit ans?

J'ai besoin de quelques secondes avant de réaliser qu'il s'adresse à moi. À peine sortie de mon ébahissement, j'arrive tout de même à articuler ma réponse:

- J'en ai trente, monsieur, vous voulez voir mes cartes?

Vous devriez voir la tronche du pauvre homme: son sourcil droit vient de faire un bond d'au moins deux centimètres, allant rejoindre du coup son jumeaux au milieu du front. Non, pardon madame, il ne veut pas voir mes cartes. Il se fond plutôt en excuses en regardant le bout de ses souliers chinois. En empochant la monnaie, je tente de le rassurer en lui expliquant qu'il vient de me faire un joli compliment, qu'il n'a vraiment pas à être gêné, que je suis désolée monsieur mais que je dois filer si je ne veux pas être en retard au boulot.

J'ai fait le reste du trajet la tête haute et le sourire aux lèvres. Avouez que ça a beau être surréaliste, ça n'en demeure pas moins flatteur de se faire rajeunir d'une douzaine de printemps. Ouais, j'étais on ne peut plus fière de moi... jusqu'à ce que j'arrive au centre-ville et réalise que les cigarettes étaient restées sur le comptoir de la tabagie.

C'est fou ce que ça peut être lourd, douze ans qui retombent d'un coup sur une paire d'épaules.

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lundi 1 août 2005

Épistémologie 101

La vie au quotidien est parsemée d’incertitudes: on se demande si on a fait bonne impression lors de la dernière réunion départementale, on s’inquiète à savoir si notre flan au caramel sera – une fois de plus – dur comme de la pierre, si le sourire d’un tel était sincère, si notre homme ne porte ses pantoufles tricotées à la main que pour nous faire plaisir, etc. À vrai dire, plus on y pense, moins on a de certitudes.

Comment pourrais-je être certaine que la réalité est telle que je la perçois? Qu’est ce qui me dit que je ne suis pas en train de rêver ou bien sous l’effet de substances hallucinogènes? En fait, même en supposant que ce que mes sens perçoivent soit vrai, il faut admettre que ce ne serait qu’une partie de la réalité. Ce que j’entends n’est qu’un infime pourcentage de ce qu’un chien peut entendre et ma vision n’est rien si on la compare à celle de l’aigle. Il faut se rendre à l’évidence : non seulement les sens peuvent-ils être trompeurs, mais en plus ils sont incroyablement limités.

Après avoir éliminé tout ce dont il ne pouvait être certain, Descartes était tombé sur son très fameux Cogito ergo sum : je pense, donc je suis. Le raisonnement a fait son temps, mais quelques siècles plus tard, d’autres grands penseurs ont démontré que la certitude cartésienne n’en était peut-être pas une. Parmi ceux-ci, Hilary Putnam, grande figure du scepticisme philosophique, et sa théorie des cerveaux dans des cuves (reprise notamment dans le film The Matrix). Ce qu’il voulait démontrer était que si nous n’étions que des cerveaux contrôlés par une quelconque instance nous donnant l’impression d’exister, si nous n’étions que l’expérience de laboratoire d’un savant fou (ou pas), nous n’aurions aucun moyen de le savoir. Donc, je pense… mais peut-être que je ne suis pas?

Vous me connaissez, je suis d’un naturel sceptique. Pourtant, aujourd’hui plus que jamais, j’ai des doutes. Des sérieux doutes. Et si je n’étais que le fruit de l’imagination de Patrick Brisebois? Avec tous ses canulars sur le web, comment puis-je être certaine de ne pas être l'un d’entres eux? Peut-être bien qu’un de ces matins un poète sortira de sa boîte multicolore en criant : surprise! et moi je n’existerai plus. À condition que j’aie déjà existé…

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