De la violence

Il y a quelques jours, le pape Benoit XVI à traité les musulmans de violents. Depuis, des populations entières sortent dans la rue, montrant le poing à la caméra et demandant des excuses publiques. «Nous ne sommes pas violents!» clament les uns. «Mort au pape!» crient les autres. Et pour prouver leur pacifisme, des groupes ont saccagé des dizaines d'églises dont une des plus anciennes églises orthodoxes à Gaza. Voilà qui est très convainquant.

* * *

Vendredi matin, en page A13 de La Presse, on pouvait lire qu'à l'échelle mondiale, la fusillade du collège Dawson à eu une plus grande couverture médiatique que le tsunami de 2004 ou le déclenchement de la guerre américaine en Irak. La nouvelle aurait fait la manchette de plus de 700 médias de la planète. Suivent une série de chiffres et de pourcentages sur le temps d'antenne consacré à l'un et l'autre des événements. Bravo.

En page A11 du même journal, Hugo Dumas fait le point sur les cotes d'écoutes extraordinaires du réseau TVA lors des différentes émissions spéciales sur Dawson. Près d'un million de téléspectateurs pour le bulletin de 18h, plus de 700 000 pour celui de 22h, et blablabla. Le titre de l'article: «TVA gagne sur toute la ligne». Touchant.

Avec les centaines de bouquets de fleurs achetés et déposés à l'entrée du collège, les journalistes étrangers venus passer quelques jours à Montréal pour couvrir l'événement et la rénovation de la cafétéria de l'école, je me demande combien de temps nous devrons attendre avant d'avoir un encadré sur les retombées économiques de la fusillade...

Bom'm la pen compè'm!

Je m'installe à l'arrière de la voiture et informe le chauffeur de ma destination. Il me regarde dans le rétroviseur avec un sourire en coin mais ne démarre pas.

- Est-ce qu'on pourrait y aller s'il vous plaît? Je suis presque en retard.

- Tu veux que je passe par où?

- Bien… tu es trop engagé pour qu'on puisse tourner ici alors prends Christophe Colomb jusqu'à Viger.

Il roule à 3 km/h et essaie, dans l'obscurité, de lire le nom des rues.

- N'aies pas peur d'avancer, je te le dirai quand tourner.

Il monte à 7 km/h.

- C'est la deuxième lumière, tu as le temps. Ensuite, on va tourner à gauche.

Je constate que les minutes avancent plus vite que la voiture.

- Oui c'est ça. Ici à gauche. Voilà...

Il effectue son virage, s'arrête au prochain feu et se tourne vers moi:

- Tu travailles pour La Presse?

- Non.

- Oui oui, je t'ai déjà vue à la télé. Tu es très bonne. N'aies pas peur, c'est entre toi et moi.

- C'est vert.

- Comment?

- Le feu est vert, on peu y aller. Et non, tu ne m'as jamais vue à la télé.

Cinq minutes de passées et on est à peine à huit coins de rues de mon point de départ. Le chauffeur semble avoir atteint sa vitesse de croisière, celle-ci se situant entre 20 et 25 km/h. À chaque carrefour, il s'arrête presque pour déchiffrer le nom des rues.

- On vient de passer Ontario, avance, je vais te guider. Et puis j'apprécierais qu'on accélère un peu, je m'en vais travailler et je suis vraiment à la dernière minute.

- Tu vas faire un reportage?

- Non. C'est vert. Voilà... Pas tout de suite, continue. Bon, la prochaine c'est Viger.

- D'accord… je tourne à gauche?

- À droite. Tu tournes à droite. T'as jamais entendu parler du Vieux-Montréal, ou quoi?

- Ahhhhh je vois! On va prendre le tunnel Ville-Marie?

Non mais je rêve! Soit qu'il se fout carrément de ma gueule, soit que son permis de taxi était en prime dans une boîte de céréales. Je pousse un grand soupir en prenant bien soin de me faire entendre:

- Non, on ne prend pas le tunnel! Continue tout droit, je te dirai quand tourner. Et avance bordel! Il y a des piétons qui nous dépassent!

- En tout cas, tu as l'air pas mal plus sympathique à la télé…

- Tourne ici à gauche et laisse-moi sur le coin, j'vais marcher.

- …

Voilà! Je suis arrivée en retard au boulot et un zouf est probablement au téléphone avec sa femme pour lui dire qu'une vedette de la télé (mais qui donc?) lui a fait une petite crise de nerf…