mardi 27 février 2007

Des chiffres et des lettres

Au réveil, elle s'installe devant l'ordinateur pour prendre son courrier. Elle tape l'adresse de messagerie et son mot de passe: sept lettres et trois chiffres. Ensuite, elle fait la tournée des carnets qu'elle préfère et en commente quelques-uns en prenant bien soin d'entrer un nom d'usager et un mot de passe. Elle va à la cuisine, se fait un café, revient dans le salon avec la tasse fumante, se rassoit et décide d'aller consulter son compte bancaire. Nouveau nom d'usager, onze lettres, puis nouveau mot de passe, neuf lettres et quatre chiffres. Après une bonne douche chaude et un petit déjeuner copieux, elle part pour le boulot.

Pour entrer dans l'immeuble, elle doit glisser sa carte et taper un code de six chiffres. Elle court enfiler son joli complet, monte à l'étage et compose un code de cinq chiffres sur le dispositif qui permet d'ouvrir la porte du bureau. Vérification des courriels internes: six lettres pour le nom d'usager, huit pour le mot de passe. Pas de mauvaises nouvelles, la journée commence plutôt bien. Elle peut maintenant s'enregistrer sur le logiciel d'exploitation pour commencer son travail. Nom d'usager, mot de passe, enter. Un message apparaît à l'écran: «Pour des raisons de sécurité, votre mot de passe doit être changé tous les trois mois. Veuillez entrer un nouveau mot de passe d'un minimum de neuf caractères, dont au moins deux chiffres.» Elle s'exécute. Un autre message apparaît : «SVP, choisir un autre mot de passe. Celui-ci ne doit pas être un des quatre derniers que vous avez utilisés.» En poussant un grand soupir, elle tente de trouver un nouveau code dont elle pourra se rappeler le lendemain.

Après l'heure du lunch, c'est le temps de s'occuper des transactions bancaires des clients. Elle se dirige dans une autre pièce et s'assoit en face de l'ordinateur qui s'y trouve. Code d'accès de sept lettres, mot de passe de sept lettres aussi. «Accès refusé. Veuillez recommencer.» Elle se rappelle que le mot de passe doit être écrit en majuscule sur ce système et l'entre à nouveau. Merde, il lui manque des documents pour procéder aux vérifications des transactions et le bureau de la comptabilité est fermé aujourd'hui. Elle se dirige vers la boîte qui contient les clés des autres départements, compose son code de six chiffres, entre le numéro de la clé désirée, s'en empare et se dirige vers le huitième étage. Sur le système informatique de la comptable, elle en profite pour imprimer quelques factures dont elle aura besoin le lendemain. Nom d'usager de six lettres, mot de passe de trois lettres et quatre chiffre. «Documents protégés, veuillez entrer votre code d'employé». Sept lettres supplémentaires. Elle redescend, entre les cinq chiffres pour rouvrir la porte du bureau et termine gentiment sa journée de travail.

Plus tard, après être passée au guichet automatique (mot de passe de six chiffres) et avoir pris ses messages sur sa boîte vocale (code d'accès de quatre chiffres), elle s'endormira rapidement et rêvera à ce vieux concierge de son enfance… et à son immense trousseau de clés qui résonnaient à cinq cent mètres à la ronde.

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mardi 20 février 2007

De la richesse

Quand il s'est pointé devant moi, le premier soir, j'ai tout de suite su qu'il était de cette race que je peux difficilement supporter. Le genre de bonhomme, riche et fier de l'être, qui s'attend à ce que tout le monde se plie en quatre devant sa Mercedes de l'année et ses barreaux de chaise à trois cent dollars l'unité. Mais moi, vous me connaissez, je ne me laisse pas intimider par un gaillard dont l'arrogance n'a d'égale que son compte en banque. Je dû même le ramener à l'ordre: «Je suis ici pour vous aider, Monsieur Peterson. Je vous demanderais de rester poli.» Il m'a quittée en disant que j'étais a wonderfull woman et je me suis abstenue de le remercier.

La nuit était assez avancée quand il fit irruption le lendemain. Comme il ne sentait pas l'alcool, je me dis que son visage bouffi était sûrement dû à l'insomnie. Il me demanda s'il y avait un endroit où il pouvait fumer un cigare et je n'eus pas le temps de lui montrer la porte qu'il éclata en sanglots. Des larmes coulaient encore sur ses joues quand il m'expliqua qu'il avait reçu des mauvaises nouvelles de la police d'état la journée même: sa jeune fille de vingt-deux ans, belle comme le printemps et diplômée avec mention honorable de l'Université Harvard, lui avait volé mille dollars pour se piquer à l'héroïne. Depuis un peu plus d'un an, elle consomme tout ce qui lui tombe sous la main: smack, coke, crystal meth. Surtout du crystal meth. Depuis un peu plus d'un an, elle est passée de 130 à 85 livres. Un cadavre sur pattes. À ce rythme là, il est certain qu'elle ne se rendra pas à son vingt-cinquième anniversaire. Monsieur Peterson m'a regardé droit dans les yeux: «Je suis riche, extrêmement riche, mais aujourd'hui je réalise que tout l'argent du monde ne pourrait me redonner ma fille. J'ai offert de lui payer le meilleur centre de désintoxication des États-Unis, mais elle est majeure et je ne peux la forcer. Pour la première fois de ma vie, tous mes millions ne me sont d'aucun secours.» Sur les vieilles mains tremblantes, croisées sur le comptoir, il y avait les miennes. Et sur les miennes tombaient les chaudes larmes d'un homme soudainement ordinaire et profondément malheureux. Nous sommes restés comme ça longtemps, l'un en face de l'autre, pigeant à tour de rôle dans la boîte de mouchoirs à nos côtés.

Puis le jour s'est levé. Et un homme d'une grande pauvreté m'a serrée dans ses bras.

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jeudi 15 février 2007

C'est bien dit...

«Je crois que l'on devient ce que notre père nous a enseigné dans les temps morts, quand il ne se souciait pas de nous éduquer.»

Umberto Eco, Le pendule de Foucault

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mercredi 7 février 2007

À la manière de...

Le nouveau virus qui court sur la blogosphère consiste à écrire un texte à la manière de quelqu'un d'autre. J'ai décidé d'y jouer aussi, mais avec une petite variante: rédiger la même histoire connue à la façon de deux de mes amis les plus chers. J'ai nommé: Patrick Dion et Daniel Rondeau.


À la manière de... Patrick Dion

Le nain: Pousse-toi papa, c'est découverte qui commence.

Moi: Putain! Peux-tu bien me dire ce que j'ai fait pour avoir un fils qui tripe autant sur les sciences? Tu pourrais-pas être comme les autres ados et passer tes soirées à jouer aux jeux vidéo en racontant des jokes de blondes? Et puis, si ma mémoire est bonne, c'est à ton tour de faire la vaisselle...

Le nain (qui ferait n'importe quoi pour échapper à sa corvée): C'est quoi des jokes de blondes?

Moi: Ben j'sais pas, moi, ça peut être n'importe quoi. Comme l'histoire de la blonde qui va chez la coiffeuse et qui refuse d'enlever les écouteurs de son walk man...

Le nain: Ouach! Un walk man?!? Ça pourrait pas être un lecteur MP3?

Moi: Whatever! N'empêche que la coiffeuse a beau insister, la blonde refuse catégoriquement d'enlever les écouteurs de ses oreilles. La coiffeuse se tanne, arrache les écouteurs et la blonde tombe sur le plancher, raide morte.

Le nain: C'est pas drôle...

Moi: Attends, c'est pas fini. La coiffeuse ramasse les écouteur et tu sais ce qu'elle entend? «inspirez, expirez, inspirez, expirez...» Hahahahaha!

Le nain: T'es con.

Moi: On ne parle pas comme ça à son père, jeune homme. Va faire la vaisselle et va te coucher.

Chiiirie (qui jusque là s'était abstenue de tout commentaire): C'est vrai que t'es con...

Moi: Chuttt! Faut que ça reste entre nous!


À la manière de... Daniel Rondeau

Le quai de la gare disparaissait graduellement sous cette brume qui s'était levée au moment même où avait sifflé le dernier train. Les voyageurs s'étaient déjà dispersés: d'abord les hommes d'affaires, pressés d'aller rejoindre femme et enfants, ensuite quelques jeunes avec des sacs à dos aux couleurs vives qui avaient pris le temps de respirer l'air d'un pays qu'ils voyaient pour la première fois. Ne restait, dans ce décor gris et silencieux, que quelques feuilles des journaux de la veille, trop lourdes d'humidité pour oser virevolter dans l'air glacial. Le quai était immobile et silencieux, comme si le temps avait décidé de s'arrêter quelques instants. Pourtant, si le gardien de la gare avait pris la peine de faire une dernière tournée avant d'aller rejoindre Paul et Marcel à la taverne, il aurait remarqué une frêle silhouette étendue sur le quai, là bas tout au fond. Et s'il s'était approché un peu, il aurait vu sa tête, blonde comme le blé de septembre, écrasée sur le sol. Mais il n'aurait probablement pas entendu, du fond de la poubelle tout près, la voix mécanique qui répétait, comme pour elle-même, dernier souffle dans ce silence paisible: «inspirez, expirez, inspirez, expirez...»

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mardi 6 février 2007

Le googlage du mois


«recette à base de sperme»


Comme je n'ai pas mon livre de recettes sous la main, je vous laisse partager les vôtres...

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