Les gens se ne parlent pas. On n'a qu'à prendre le métro à l'heure de pointe ou à s'asseoir dans une salle d'attente pour constater que chacun fixe un point invisible droit devant soi ou bien se cache derrière un livre ou un journal. Dans les grandes villes, les seuls gens qui nous abordent sont soit des mendiants, soit des fous. Notez que je ne suis pas mieux que quiconque: ayant grandi à Montréal, je suis souvent la première à me foutre le nez dans un bouquin et j'aime bien qu'on me laisse tranquille. Pourtant, j'ai souvenir d'une époque pas si lointaine où, à l'étranger, je nouais des liens avec le premier des quidams: le patron du café, la caissière de l'épicerie, la voisine de palier... Tous les gens qui passaient à moins de deux mètres de moi recevaient au minimum un sourire et un bonjour et, fait étonnant, on me le rendait bien.
Lundi dernier, suite à un bel après-midi passé à profiter du soleil, Nancy et moi nous sommes retrouvées assises à un resto de la rue St-Denis autour d'une bouteille de rouge et de deux bols de moules fumantes. À la table d'à côté, il y avait un couple qui ne cessait de nous sourire et de nous jeter des regards complices. Profitant de l'absence de ma compagne partie à la recherche d'un téléphone public, j'en profitai pour me laisser prendre au jeu et échanger quelques mots avec mes voisins de table. Il ne m'en fallut pas plus pour les trouver réellement sympathiques. J'appris qu'il était un homme d'affaires et qu'elle était directrice d'un centre pour personnes âgées. «Vous n'êtes sûrement pas de Montréal...» que je leur dis. «Comment t'as deviné?». «Facile, vous m'avez parlé!».
Notre gueuleton à deux s'est rapidement transformé en souper à quatre et nous eûmes un réel plaisir à discuter de tout et de rien. À l'extérieur, les camions de pompier arrivaient à folle allure pour combattre l'incendie qui sévissait au coin de Rachel, à une cinquantaine de mètres de notre terrasse. L'homme est parti acheter une autre bouteille de vin pour que nous puissions la partager. Puis, après le café, c'est sorti tout seul: «Allez, je vous invite à prendre le digestif dans un petit bar pas loin d'ici!».
La soirée s'est terminée sur le coup de minuit et c'est avec des câlins interminables que nous nous sommes promis de remettre ça un de ces soirs. Le couple est reparti à Drummondville et moi je suis rentrée à pied.
Avec l'impression de revenir d'un très beau voyage.
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