En fouinant sur le site de Josée Blanchette, je suis tombée sur un texte où elle parle des Londoniens qui devront rester chez-eux, paralysés par la peur causée par un autre attentat dans le métro. Ça m’a rappelé à quel point j’avais été fascinée de constater la facilité avec laquelle il était possible d'apprivoiser la peur.
À mon arrivée en Israël, la rigidité des méthodes de sécurité m’avait surprise, pour ne pas dire inquiétée. Sur le coup, le fait d’avoir son sac fouillé dès qu’on entre dans un lieu public, de voir des militaires arrêter des bus pour des vérifications surprises ou bien des policiers intervenir dès qu’un bagage était trouvé sans surveillance, tout cela avait comme effet de me rappeler l’omniprésence du danger. Pourtant, à peine quelques semaines ne furent nécessaires pour que ces mêmes interventions ne me procurent qu’un réel sentiment de sécurité. Je ne vous cacherai pas que peu après le début de la deuxième intifada en septembre 2000, alors que des attentats ont commencé à avoir lieu en banlieue de Tel Aviv, j’ai dû adapter mon train de vie à la menace qui planait. Il était clair qu’il valait mieux éviter les grands centres, j’ai donc espacé autant que possible mes courses à l’épicerie et remis à une date ultérieure les déplacements que j’avais prévus à l’extérieur de la ville. J’ai même décidé de ne pas me rendre au ministère de l’intérieur, à la Shalom Tower (probablement l’immeuble le plus menacé en cas de réelle attaque), afin de demander une prolongation sur mon visa qui était pourtant sur le point d’échoir. J’ai fait tout ça guidée par la prudence et non par la peur : je n’ai pas cessé mes visites quotidiennes à la mer et je ne me suis pas privée de boire un verre le soir en jouant une partie de backgammon. Bien entendu, certaines journées ont été plus marquantes, notamment lors de l’explosion au
Dolphinarium (dont j’ai déjà parlé ici) à l’été 2001 et des attentats de New York quelques mois plus tard, mais quelque chose me disait qu’avoir peur aurait été comme m’avouer vaincue, comme mourir un peu.
Je pense qu’apprivoiser la peur c’est choisir de vivre.
Mais j’ai peut-être tort.