mercredi 16 mars 2005

Chocolat et croissants

Mercredi après-midi, Galad se lève. Le week-end tire à sa fin, elle reprendra sa vie pécuniaire à 23h. Le ciel est partiellement voilé mais elle a l'esprit plutôt léger. Belle journée pour rester à la maison, pour faire le minimum. Son réveil fut marqué par l'image d'une personne qui l'avait fait rire un certain matin d'insomnie. "Pourquoi ne pas lui écrire un petit mot" s'était-elle demandé. C'est donc devant son clavier qu'elle se retrouve, clope au bec, un bol de chocolat chaud fumant à ses côtés. Elle se rappela que le mec en question lui avait posé une question du genre: "mais qui es-tu donc?". Mais qui était-elle donc? Le savait-elle? Ses six années d'études en philosophie ne lui était d'aucun secours. Cette question la laissait toujours aussi perplexe. Connais-toi toi-même disait l'inscription sur le fronton du temple de Delphes. Yeah right! Galad jette un oeil par la fenêtre. Le Mont-Royal est là, au bout de la rue, fidèle à lui-même. Les gens passent, à pied, en vélo ou en voiture. Qu'est-ce qui la distingue de tous ces autres bipèdes? Elle se sentit soudain heureuse d'avoir quitté les études de philo et toutes ces questions sans réponse. Que serait-il arrivé si elle avait utilisé son billet de retour cet été là, plutôt que de se laisser bercer par la liberté du nomadisme? Elle ne le saura jamais et c'était bien tant mieux ainsi! Galad s'allume une autre clope, s'adosse à la chaise et sourit. Quant à savoir qui elle est, rien de plus facile! Elle est une personne on ne peut plus simple, sans grandes ambitions, sans plan de vie pré-défini, mais avec toutes les portes ouvertes! En ce moment, le bonheur c'est la chatte qui ronronne à ses pieds.

Ah, les douceurs du quotidien...

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mardi 1 mars 2005

C'est bien meilleur en groupe!

Daniel nous avait déjà fait part de son idée il y a quelques mois, un de ces dimanches à l'impro, mais il a fallu un p'tit coup de pied de Bertrand et le dévouement de Catherine pour que le projet prenne enfin forme. Pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, voici le plan: un thème annoncé le dimanche (on a de la suite dans les idées) et une semaine pour rédiger et envoyer nos textes qui seront publiés au jour le jour sur le site collectif. Le mieux dans tout ça, c'est que cette orgie littéraire est ouverte à tous, blogueurs ou pas! Que ce soit pour regarder seulement, pour une première expérience de groupe ou pour mettre un peu de piquant dans votre vie littéraire, c'est sur le site Coïtus Impromptus que ça se passe. Le thème de cette semaine: La fascination du pire. Laissez-vous donc tenter...

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Dolphinarium

Il faisait particulièrement chaud ce soir là dans le petit bar qui était pourtant presque vide, comme à l’habitude. Cinq ou six verres d’alcool, autant de parties de billard sur une table qui semblait avoir fait la deuxième guerre mondiale. Je détestais profondément devoir me rendre à cet endroit pour avoir la chance de jouer quelques boules, mais comme c’était un des seuls bars du quartier équipés du précieux tapis vert, j’y allais presque chaque semaine. Et puis c’est sûrement là qu’on pouvait boire le nectar le moins cher en ville, détail non négligeable quand on bosse pour l’équivalent de quatre dollars l’heure. Étouffée par la chaleur écrasante, je cédai mon tour à un autre joueur et sortis prendre l’air. J’allai m’asseoir sur le trottoir au coin de la rue Allenby et m’allumai une cigarette. Le carrefour était assez achalandé mais pas autant qu’il ne l’était l’été précédent, avant le début de la guerre. Les jeunes à la mode défilaient en groupes en riant, en se jetant des regards aguicheurs. Ça sentait la drague de fin de semaine.

Entre deux bouffées de tabac, je crus entendre une détonation au loin. Un bref regard autour de moi me rassura : les fêtards semblaient ne rien avoir remarqué d’anormal. Pourtant, il ne fallu pas plus de trois minutes pour qu’une demi douzaine d’ambulances me passe sous le nez. Je me levai et retournai en courant vers le bar. Premier réflexe : me commander un double brandy et demander au barman d’allumer la télé. Des reporters arrivaient déjà sur place. Les images étaient saisissantes : on voyait d’abord des jeunes crier et pleurer la mort de leurs amis, ensuite la caméra nous montrait une rapide vue de la scène. En plus des nombreux morts, des dizaines de blessés graves, agonisants. L’apocalypse à moins d’un kilomètre de mon bout de trottoir. Le kamikaze avait commis son attentat dans la file à l’entrée d’une discothèque pour adolescents sur le bord de la mer. Le Dolphinarium que ça s’appelait. Jusque là, j’avais trouvé le nom très joli. Ce soir là, il me donna envie de vomir.

Cette soirée, qui avait débuté de façon tout à fait banale, s’est terminée dans mon lit à regarder le plafond. Je devais me rendre à l’évidence : la guerre approchait dangereusement. J’entendais déjà les avions de l’armée qui survolaient la Méditerranée à une centaine de mètres de moi, comme après chacun des attentats. J’étais face à un dilemme : quitter le pays ou rester. En fait, j’aurais dû faire face à un dilemme, mais les deux mots qui résonnaient en alternance dans ma tête n’avaient pas le même poids. Quitter n’avait aucun sens, ça aurait été un signe de lâcheté. Rester ne servait à rien, je n’étais d’aucune utilité dans cette guerre, mais c’était la seule option valable, ne fut-ce que par solidarité pour ceux qui n’avaient pas ce choix. Et puis, il me restait encore plusieurs mois sur mon visa, je ne pouvais pas reculer, pas maintenant.

J’aurais pu être plus rationnelle, mais j’ai choisi d’écouter mon cœur. Il est des moments où choisir le pire semble la meilleure des solutions.

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