lundi 13 août 2007

De la plage et de la vieillesse

Une belle journée à la plage avec d'anciens collègues était organisée pour hier. Puisque je me doutais bien qu'untel allait apporter un frisbee et un autre un ballon de soccer, j'ai pensé ajouter un petit jeu de backgammon portatif dans mon sac. Considérant que j'étais levée depuis la veille, il me fallait prévoir une activité tranquille en cas de chute de mes réserves d'énergie. Et puis, j'aime le backgammon! Après avoir joué en ligne pendant quelques années, j'ai touché mon premier vrai plateau de jeu en Israël, où j'ai eu la chance de me mesurer contre d'anciens joueurs professionnels (le shesh-beish est presque un sport national là-bas), et même de gagner un petit tournoi amical à Tel Aviv. Au gré de mes voyages, le backgammon est rapidement devenu un moyen de passer le temps tout en faisant de belles rencontres. Mais, le jeu étant beaucoup moins populaire ici qu'au Proche-Orient, je n'ai pas roulé les dés depuis mon retour, il y a près de cinq ans.

Donc, à la plage hier, après un bon repas cuisiné sur place et englouti en moins de deux par une bande de gais lurons s'exprimant simultanément dans les deux langues, j'ai sorti mon petit jeu de backgammon et me suis trouvé un adversaire qui disait ne pas savoir très bien jouer. «Pas de problème, c'est très facile, tu vas voir.» Puis, sous le regard attentif de quelques convives rassasiés, j'ai ouvert le plateau de jeu et me suis préparée à y installer les pastilles rouges et noires. Black out! Impossible de me rappeler de la mise en place. Même pas un peu. Rien. Aucun souvenir, aussi petit soit-il, qui m'aurait permis de me sauver la face. Trou blanc total! Bien sûr, le soleil tapait fort, ma journée était déjà entamée depuis une bonne vingtaine d'heures et ma bouteille de rouge montrait déjà son cul vide, mais de là à ne pas me rappeler d'un jeu que j'ai pratiqué pendant des années...

J'ai dû me résigner à remettre le plateau dans mon sac. «Quelqu'un a envie d'une saucette?» La journée s'est poursuivie comme si de rien était, mais quelque chose en moi avait changé: j'ai réalisé, hier après-midi, ce que voulait dire vieillir. Rien à voir avec la perte des capacités physiques qui fait qu'on s'essouffle plus rapidement en jouant au tennis. Non, la vraie vieillesse. Celle qui use lentement le cerveau, hypocritement, jour après jour. Celle qui fait croire qu'à 32 ans, on a encore toute la vie devant soi, jusqu'à ce qu'on réalise que tout en nous ira inévitablement en se dégradant.

Après douze bonnes heures de sommeil bien méritées, je me suis levée en me demandant si, depuis le temps que je porte des sandales à velcro, je saurai encore nouer les lacets de mes chaussures au retour des temps froids.

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4 Comments:

Blogger Karim'Agine a ajouté...

Clin d'oeil à toi!

13 août 2007 à 14 h 02  
Blogger Monsieur l'adulte a ajouté...

Très très beau texte... fort sensible et juste! tant que tu conserve la faculté d'aligner des mots ensemble de la sorte, tout va bien!

13 août 2007 à 14 h 40  
Blogger Patrick Dion a ajouté...

C'est rien! Tu vois, moi aujourd'hui je cherchais le mot "minutieux". Faut le faire quand même.

14 août 2007 à 20 h 39  
Blogger Galad a ajouté...

À ton âge, Pat, c'est un peu normal, non?
:oP

14 août 2007 à 21 h 59  

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