Quel manège!
Quand il a su que je n'y étais pas allée depuis près de quinze ans, Francis m'a fait promettre de l'accompagner à La Ronde cet été. Vendredi dernier était la journée parfaite: il était en congé, j'étais en vacances et le soleil était au rendez-vous. Nous étions donc postés à l'entrée avant même l'ouverture des portes, entourés de quelques familles, d'une ribambelle de jeunes adolescents le fond de culotte aux chevilles et le t-shirt aux genoux et de leur équivalent féminin plus dénudé que jamais. [Il est étonnant de remarquer à quel point la longueur des vêtements des garçons est inversement proportionnelle à la longueur des vêtements des jeunes filles. Le bon vieux Héraclite avait raison: rien ne se perd, rien ne se crée.] À peine quelques minutes ne me furent nécessaire pour réaliser que La Ronde n'était plus ce que j'avais connu: les nouvelles montagnes russes (Goliath, Vampire et compagnie) n'ont décidément rien à envier au Boomerang et au Super Manège. De dix heures le matin jusqu'à onze heures du soir, j'ai rit aux éclats et j'ai crié à m'en arracher les cordes vocales (et à en défoncer les tympans de Francis). Mais j'ai aussi été irritée, très irritée. Vers la fin de l'avant-midi, quand il y eu suffisamment de monde pour créer des files d'attente pour les manèges, j'ai été témoin (et victime) d'un tout autre manège: les jeunes adolescents arrivaient, à coups de pardon madame et de pardon monsieur, à se faufiler jusqu'en tête de file. Personne ne les arrêtait, si bien qu'ils n'attendaient pour aucun jeu. En adulte responsable (et un peu pédagogue, il faut l'avouer) j'ai décidé que les prochains ne passeraient pas. «- Pardon madame. - Quoi? - Mes amis sont devant. - Pas mon problème, qu'ils viennent te rejoindre derrière.» J'étais fière de mon coup, il faut bien que quelqu'un leur apprenne à vivre, jusqu'à ce que je réalise que les jeunes me contournaient en passant sous la barrière et reprenaient leur manège un peu plus loin. Encore une fois, personne ne les arrêtait. Toute la journée, dès qu'un jeune se frappait à mon air bête, il se contentait de me contourner en affichant un sourire de vainqueur. À quelques reprises, j'ai bien essayé d'expliquer aux plus jeunes ce qu'était le respect, mais en vain. Pour eux, le respect est une chose qu'on leur doit. Point à la ligne.
Comment ne pas devenir enragé devant de telles situations? Sommes-nous rendus mous au point de laisser des enfants de onze ou quatorze ans faire la loi? Où sont les parents pendant ce temps? Je me suis rappelé la réponse de l'ami Stéphane, alors que je m'insurgeais contre les jeunes Ontariens en visite à Montréal pour le springbreak: «Les parents ont démissionné» qu'il m'avait dit. «Ils ont tenté d'élever leurs enfants pour un temps puis, quand c'est devenu difficile, ils ont jeté les gants.» Une seule génération me sépare de ces jeunes, pourtant quand j'avais leur âge, un adulte était un parent, il représentait l'autorité: il avait le droit de nous gronder si on faisait des conneries, et le devoir de nous soigner si on s'écorchait un genou. Aujourd'hui, on dirait que même le parent n'a plus le droit de gronder. Ou peut-être, comme le pense Stéphane, n'en a-t-il seulement plus envie.
Je me demande si le monde de demain sera à l'image de cette nouvelle génération: sans respect et sans justice. Je me demande aussi si je deviendrai une de ces vieilles femmes frustrées contre les jeunes d'aujourd'hui.
Finalement, je me demande lequel des deux me fait le plus peur…
Comment ne pas devenir enragé devant de telles situations? Sommes-nous rendus mous au point de laisser des enfants de onze ou quatorze ans faire la loi? Où sont les parents pendant ce temps? Je me suis rappelé la réponse de l'ami Stéphane, alors que je m'insurgeais contre les jeunes Ontariens en visite à Montréal pour le springbreak: «Les parents ont démissionné» qu'il m'avait dit. «Ils ont tenté d'élever leurs enfants pour un temps puis, quand c'est devenu difficile, ils ont jeté les gants.» Une seule génération me sépare de ces jeunes, pourtant quand j'avais leur âge, un adulte était un parent, il représentait l'autorité: il avait le droit de nous gronder si on faisait des conneries, et le devoir de nous soigner si on s'écorchait un genou. Aujourd'hui, on dirait que même le parent n'a plus le droit de gronder. Ou peut-être, comme le pense Stéphane, n'en a-t-il seulement plus envie.
Je me demande si le monde de demain sera à l'image de cette nouvelle génération: sans respect et sans justice. Je me demande aussi si je deviendrai une de ces vieilles femmes frustrées contre les jeunes d'aujourd'hui.
Finalement, je me demande lequel des deux me fait le plus peur…
Libellés : Opinions
6 Comments:
Certains kids manquent en effet de savoir-vivre, certains ados ne comprennent pas le sens du mot respect, certains parents ont aussi abandonné l'éducation pour cause d'écoeurantite et/ou de je-m-en-foutisme mais il ne faut pas oublier qu'à 12 ou 14 ans, tes parents ne font plus partie de tes sorties. Alors tu joues au mouton noir devant tes chums et tu te fais petit agneau quand tu te retrouves en "société". C'est ce que moi je faisais: Parce qu'il fallait donc que j'aie l'air hot devant ma gang ! Avoue qu'en bout de ligne, le résultat n'est quand même pas si décourageant... bon ok, j'ai rien dit ! ;-)
C'est un type de situation qui me frustre également. Cet abandon des parents. Il nous arrive fréquemment à la librairie de retrouver un enfant tout seul parce que ses parents l'ont "parké! au magasin pour avoir la paix. Et ça devient embêtant quand on ferme les portes et que t'as un enfant d'une dizaine d'années qui cherche désespérement ses parents à 22h... Bon ok, ce n'est pas exactement la même chose, mais le type d'attitude parentale est le même. Après ça on se demande pourquoi les enfants ne sont pas élevés.
Pour avoir à jouer le rôle à la fois de la mère et du père chez-moi à la maison, je comprends tout à fait la tâche que ça implique, je comprends tout à fait pourquoi certains parents ont abandonné.
On est wonderwoman oui, mais des fois, on a aussi envie d'un répit que la structure sociale dans laquelle nous vivons ne permet pas. Y a des parents qui ont abandonné? Oui, sans doute. D'autres qui ont manqué d'outils, qui ont fait de leur mieux avec ce qu'il y avait de disponible, soit bien peu pour certains. On est pas des super héros non plus et tout seul, on est limité.
Ça donne les enfants que ça donne. On a une société peu impliquée et intolérante. Pendant ce temps-là, c'est les parents qui se font garrocher des roches. Prenez-le pas personnel, c'est juste un discours que je suis tannée d'entendre, comme si on étaient les seuls responsables.
Pour ma part, ce n'est pas les parents qui ont abandonné, mais plutôt les parents qui se sont fait abandonner.
En passant, ces ados ont souvent une passe de saison de la Ronde dont un des avantage est le droit de ne pas faire la queue et de passer devant tout le monde! Alors pas de panique merde!
Désolée Anonymous, mais c'est complètement faux. Il existe effectivement un forfait offrant un temps d'attente moins long pour les manèges (à mon grand regret), mais les gens qui en bénéficient ont leur propre file. Rien à voir avec les passes de saison, et encore moins avec les jeunes dont je parle ici.
Pour avoir travailler à La Ronde pendant un jour* (ahahah, je me suis fait renvoyer assez vite! mais ça c'est une longue histoire), la meilleure chose à faire est d'avertir le responsable du manège. Lâchez lui un cris si possible, sinon donnez une description. S'il fait bien son travail (ce qui est généralement le cas : La Ronde n'engage que des intellectuels et des bonnes personnes), il les bloquera au prochain passage et avertira la sécurité. Si passe de saison il y a, un coin de la carte sera coupé; quand les 4 coins sont coupés, le permis est suspendus.
D'ailleurs, les passeports saisonniers n'ont pas d'«accès rapides»; ils doivent être achetés à part, au centre d'accueil situés à votre gauche avant les tourniquets. Au coût de 10$ pour 10 billets ou 15$ pour 20, ils vous permettront d'accéder sans attendre aux manèges les plus populaires du site.
Les jeunes contrevenants ne peuvent donc généralement pas se les procurés. Ce sont plutôt les gros américains méchants et baveux qui n'ont aucun respect pour la sécurité de leurs enfants et qui font fie des consignes de sécurité et ce malgré les avertissements maintes fois répétés du responable-manège qui les achètent.
J'ai haïs travailler à La Ronde. SixFlags ont une attitude trop agressive; ils n'ont aucun respect pour la culture québécoise. Le seul respect qu'ils ont c'est pour l'argent.
Entre les bums et les patrons de SixFlags, laisse-moi te dire que je préférais all the way les bums...
J'ai travaillé aux caisses aussi.
*Ici je parle des manèges, sinon je tuffais mon temps aux "rampes" (sorte de sécurité inutile)... Jusqu'à ce que j'insulte ma supérieure et qu'elle me sacre dehors.**
**Notez qu'ici il ne s'agit pas d'un manque de respect de ma part, bien au contraire; il s'agit en fait de la foi aveugle que j'avais qu'avec les grandes personnes il y avait moyen de discuter librement, dans le respect, de sujets aussi délicats que l'insécurité que me procurait ma superviseure (réputée agente de sécurité). Comme quoi des adultes aussi ça craint des fois!
Publier un commentaire
<< Retour chez Galad