La libertà dell'uomo moderno
Je débarquais tout juste à Milan, escale nécessaire dans mon road trip en direction du chaud soleil de l'Espagne, accompagnée d'un pote ukrainien. On nous avait informés qu'il y avait une auberge à l'autre bout de la ville où nous pourrions passer la nuit. Malheureusement, tous les bureaux de change étaient fermés et, outre une poignée de shillings autrichiens, nous n'avions que quelques billets de 20$US sur lesquels le contrôleur du métro refusait catégoriquement de nous rendre la monnaie. De retour dans la rue noire et glaciale, il nous avait fallu aborder les rares passants pour leur demander de bien vouloir nous échanger un billet vert contre des lires italiennes jusqu'à ce que nous trouvions un gentil petit couple qui nous offrit généreusement deux billets de métro.
À l'auberge, le type derrière le comptoir avait d'abord refusé de nous offrir le gîte parce que nous n'avions pas de carte de membre, puis il avait consenti à fermer les yeux à condition que nous ne restions qu'une seule nuit, en nous intimant de faire vite parce que les lumières s'éteignaient dans cinq minutes. Je n'ai jamais mis les pieds dans un centre de redressement, mais je peux difficilement imaginer que ce soit pire que cette auberge: couvre-feu à minuit, aucune pièce commune, aucun fumoir, dortoirs séparés pour hommes et femmes avec gardiens de sécurité à l'entrée et alarme générale à 6h30 pour la prise du petit-déjeuner gracieux consistant en un bout de pain blanc et un café fortement dilué.
Mon ami et moi étions d'accord pour quitter la ville au plus vite, mais comme le prochain bus en direction de Lyon n'était que le lendemain soir, il nous fut nécessaire de déposer nos gros sacs en consigne à la gare et de ne garder que nos guitares et un petit fourre-tout pour les prochaines 36 heures. À la nuit tombée, nous avions du mal à tenir sur nos jambes et tentions vainement de trouver un endroit hors de vue des milliers de caméras qui espionnnent chaque coin de la ville. Dès que nous osions nous reposer les yeux quelques secondes, assis sur un banc glacé, un policier arrivait, inspectait nos maigres bagages et nous demandait de circuler. Nous avons «circulé» ainsi de 8h le matin jusqu'à 19h le lendemain…
Pourquoi je repense à cette histoire aujourd'hui? Probablement parce qu'à Milan, il y a six ans, j'ai eu l'impression d'être un personnage de George Orwell. Et qu'aujourd'hui, au lendemain des dernières élections provinciales, il me semble entendre le claquement des bottines de Big Brother se rapprocher.
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