lundi 26 juin 2006

Alain

Comme à tous les jours, la cloche retentit à 11:15h. Je me faufilai au travers du brouhaha de la classe jusqu'au corridor pour y enfiler mon manteau trois-quart, mes petites bottes, mes jambières de laine et mes mitaines assorties, pour ensuite descendre l'escalier qui menait vers la porte principale. À l'extérieur, des petits groupes d'enfants se formaient et s'éloignaient bruyamment. Dans un coin de la cour, je reconnu la petite Nancy avec laquelle je marchais habituellement le kilomètre qui séparait l'école de la rue où nous habitions. Deux autres enfants se trouvaient avec elle: Mélanie, maladivement jalouse de moi, et Alain, un garçon de ma classe trop discret pour que je n'aie jamais pu échanger une parole avec lui.

Sur le chemin de la maison se trouvait un grand parc divisé en deux: la partie nord était aménagée pour le jeu (balançoires, terrain de baseball et piscine publique), tandis que la partie sud, jamais défrichée, était restée à l'état de forêt. Malgré l'interdiction de nos parents, nous coupions souvent au travers de l'aire de jeu en revenant de l'école, mais ce midi là, Mélanie insista pour que nous passions plutôt par le bout de forêt. De nature passablement peureuse, j'hésitai à m'engager dans le sentier mais calculai qu'il valait probablement mieux suivre le groupe que de devoir faire le grand détour toute seule.

Avec la neige de cette fin d'hiver, les sentiers étaient pratiquement invisibles. Nous marchions à la queue leu leu sur la neige qui craquait sous nos petites bottes quand je me sentis soudain perdre pied. Nous nous étions trop éloigné du sentier et la glace, bien cachée sous la neige, venait de céder sous mon poids. Avant que j'aie pu réaliser ce qui se passait, j'avais de l'eau jusqu'au menton. Quelques rapides mouvement des bras n'aidèrent pas à ma cause: impossible de m'agripper, la glace était maintenant trop fragile. Je regardai autour de moi et constatai que Mélanie (encore elle!) venait de prendre Nancy par le bras pour sortir de la forêt avant de se faire gronder. Ne restait plus que le petit Alain de sept ans, comme moi, qui me regardait de ses grand yeux terrifiés. Comme je ne touchais pas le fond, je devais bouger les jambes pour me garder la tête hors de l'eau glacée, mais je savais que je ne pourrais pas tenir longtemps: mes vêtement d'hiver remplis d'eau m'attiraient vers le bas et le froid qui gagnait mes muscles rendait tout mouvement de plus en plus difficile. Impossible de crier. J'entendis ma propre voix murmurer à Alain: «Ne pars pas, s'il-te-plaît....» Déjà, il regardait autour de lui, cherchant en vain un moyen de me sortir de là. Il tenta un timide pas dans ma direction mais se ravisa en entendant un lourd craquement. Sans dire un mot, il recula d'un mètre ou deux, s'allongea sur le ventre et se mit à ramper lentement dans ma direction. Alors que son petit corps s'avançait vers moi, je lisais dans ses yeux une peur indescriptible. Si la glace cédait, c'en était fini pour moi et pour lui, il le savait. Finalement, sa main toucha la mienne et, sans que je ne me souvienne comment, il réussi à me tirer hors de l'eau. Comme mes jambes ne pouvaient plus me supporter, il passa son épaule sous mon bras et m'aida à franchir les cinq cent mètres qui nous séparaient encore de la maison. Quand il ouvrit enfin la bouche, ce fut pour me souhaiter bon appétit en me laissant devant la porte.

Ce petit garçon que je ne connaissais pas venait probablement de me sauver la vie, au péril de la sienne, et je me demande si je l'ai jamais remercié.

Tout ce qu'il me reste aujourd'hui, outre ma gratitude, c'est cette photo de groupe. Alain est au centre de la dernière rangée. Je ne sais pas ce que je donnerais pour le revoir un jour...

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dimanche 18 juin 2006

Du brandy dans le désert

Nous nous parlions régulièrement au téléphone, mais ce soir là, il me manquait particulièrement.

- Tu sais que s'il m'était possible de me téléporter à un seul endroit, j'irais passer une soirée avec toi. On pourrait se faire un bon petit souper accompagné d'une bonne bouteille de vin, ou deux, et se boire un petit brandy...

- Je suis prêt à t'offrir le billet d'avion si tu veux venir passer un week-end à la maison.

- J'adorerais ça mais ce serait compliqué: je travaille cinq ou six jours par semaine ici et je ne peux pas vraiment me faire remplacer.

- Et si j'allais te visiter, moi?

- Tu ferais ça?

- Bien sûr!

Dix jours plus tard, mon père débarquait à Tel-Aviv pour le week-end. On a beaucoup parlé, je lui ai fait visiter Jérusalem, je lui ai présenté la gang de l'auberge et on est allé se promener sur le bord de la mer jusqu'à la vieille ville de Jaffa où l'on s'est acheté une bouteille de brandy qu'on a ensuite bue dans sa chambre d'hôtel en épiant la commode derrière laquelle une coquerelle géante venait de se glisser. Ce fut à la fois unique et tout simple: une fille et son père à l'autre bout du monde.

En y repensant aujourd'hui, je réalise que c'est un de mes plus beaux souvenirs de voyages.

Bonne fête au plus généreux et au plus adorable des pères: le mien!

Jérusalem, novembre 2000

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vendredi 16 juin 2006

Bye bye Boss!

Les deux dernières semaines ont été consacrées à la recherche d'un nouvel emploi, d'où ma discrétion sur ce site. Avant même que j'aie eu le temps de rentrer de ma dernière entrevue aujourd'hui, le téléphone avait déjà sonné: je commence début juillet.

J'avais oublié à quel point donner sa démission se rapproche de l'orgasme!

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mardi 13 juin 2006

Mondanités

Lors du match de soccer qui opposait la Croatie au Brésil:

- Ça a feuillu créer un mélèze.

- Je l'ai manqué, j'étais au bouleau.

- Il est passé cyprès de marquer.

- Ouais, sapin sé proche.

Ben et Jeff (qui d'autre?)

Je vous passe les jeux de mots avec Kaka qui, grâce à sa fluidité, a trouvé une ouverture.
Et des biens pires...

jeudi 1 juin 2006

Montée de lait

C'est bien beau tout ça, on profite des belles journées ensoleillées, on gueule encore un peu sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics, on rigole ferme, on s'aime (ferme aussi) et patati et patata. Ce qu'on oublie parfois c'est que l'actualité ne prend pas de pause pendant ce temps.

On annonçait au bulletin de nouvelles d'hier qu'un père qui avait non seulement abusé de sa fillette mais qui en diffusait les images sur internet, avait vu sa peine d'emprisonnement passer de quinze à neuf ans. À la cour d'appel, la juge Lise Côté aurait dit qu'après tout, « il ne s'agit pas du pire des crimes ». Pardon? Vous dites? On ne parle pas seulement d'un malade complètement déconnecté de la réalité, on parle d'un homme qui a bâti une business sur les atrocités qu'il faisait subir à son enfant. Si ce n'est pas ça le pire des crimes, je me demande bien ce que c'est. Putain, je suis bleue de rage! Les parents ne devraient-ils pas être les premiers, d'entre tous les adultes, à veiller sur les enfants, à les protéger à tout prix, à les chouchouter, à leur rendre la vie la plus belle possible, à les préparer à devenir des adultes équilibrés et confiants? Madame la juge, un homme qui manque à tous ces devoirs les plus élémentaires, un père qui non seulement ne protège pas sa fillette contre les assauts de ce monde mais constitue lui-même un assaillant accomplit LE pire des crimes, point à la ligne.

Je repensais à cette histoire en revenant du boulot ce matin. Dans le métro, je feuilletais La Presse en croyant bien trouver des réactions de lecteurs outrés par le commentaire de la juge. Rien du tout, le courrier des lecteurs était réservé aux opinions sur la nouvelle loi anti-tabac. En revanche, je suis tombée sur un encadré en page A18:

Amsterdam a vu naître mardi une formation politique inusitée. Le parti «Amour du prochain, liberté et diversité» (NVD) a pour principal objectif non pas de remporter des élections, mais de militer pour la légalisation de la pornographie enfantine et du sexe entre adultes et enfants. La loi néerlandaise interdit la pornographie enfantine et ne conçoit de sexe «consentant» qu'à partir de l'âge de 16 ans. Le NVD voudrait faire baisser ce seuil à 12 ans.

Suis-je la seule à avoir la nausée?

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